« J’habite un no man’s land, un pays de fer et de charbon. Ici, l’avenir a longtemps reposé sur son sous-sol, ses entrailles, ses galeries. Depuis une vingtaine d’années, les mines, les hauts fourneaux et les laminoirs ferment, rouillent, deviennent des musées ou sont démontés pour être exportés en Chine, en Corée ou au Vietnam. J’aurais pu vivre ailleurs. Une machine à écrire, un téléphone, une gare à proximité : je n’ai besoin de rien d’autre. On m’a proposé des maisons dans le Sud pour pas trop cher, j’ai toujours trouvé des excuses pour rester au bord de la Moselle. Mon entourage fait pression pour qu’on déménage. Je résiste. Je sais que l’horizon est bouché, qu’on s’emmerde dans ce coin, mais on s’emmerde partout quand on n’a plus de rêves. Et de ce bout de terre bordé par trois frontières, la vue est imprenable sur la folie du monde. »